Conférence de méthode n°4 : Investissement - Fiches techniques
- Sujet principal : Analyse approfondie de l'investissement des entreprises françaises sur le long terme, avec un focus particulier sur la manière dont la crise sanitaire de 2020 a impacté ces comportements.
- Idées principales :
- Le taux d'investissement des entreprises françaises sur longue période est d'environ 22% de la valeur ajoutée. Il est plus faible pour les PME, mais l'investissement corporel domine largement.
- Avant la crise (2019), l'investissement progressait fortement (+8,2%) avec un taux à 20%. 46% des entreprises investissaient, avec de fortes disparités selon la taille (GE et ETI investissent quasi systématiquement, moins de la moitié des micro-entreprises).
- Durant la crise sanitaire de 2020, l'investissement en France a mieux résisté que dans le reste de l'Europe, et le taux d'investissement a même augmenté grâce aux mesures de soutien public.
- La crise a agi comme un accélérateur pour les investissements liés à la transition numérique, et dans une moindre mesure, à la transition environnementale.
- Analyse ou conclusions : L'investissement en France est très concentré sur un petit nombre de grandes entreprises. La crise sanitaire, paradoxalement, n'a pas provoqué d'effondrement de l'investissement grâce aux politiques de soutien mises en place. Elle a même pu impulser une réorientation des investissements vers le numérique. Cependant, l'endettement lié à la crise pourrait freiner l'investissement à plus long terme.
- Chiffres importants :
- 22% : Taux d'investissement moyen des entreprises françaises sur longue période.
- 227,5 milliards d'euros : Investissement corporel brut en France en 2019 (+8,2% par rapport à 2018).
- 20% : Taux d'investissement en 2019.
- 46% : Proportion des entreprises ayant investi en 2019.
- 88% : Part de l'investissement total réalisée par 2% des entreprises (celles investissant plus de 500 000 euros).
- 8,4 points de pourcentage : Augmentation estimée de la part d'entreprises illiquides en 2020 sans les mesures de soutien.
- 26% : PME déclarant une accélération des dépenses dans le digital à mi-2021.
- Critiques et limitations : L'analyse est principalement descriptive et basée sur des données agrégées. Bien que le document souligne l'impact de la crise sanitaire, il ne développe pas en profondeur les mécanismes précis par lesquels les mesures de soutien ont influencé l'investissement à long terme.
- Sujet principal : Analyse de l'évolution globale de l'investissement mondial, en particulier l'essor des économies émergentes et l'impact de la mobilité internationale du capital.
- Idées principales :
- La part de l'investissement mondial s'est déplacée vers les économies émergentes, avec une progression spectaculaire de la Chine qui représente désormais plus de 30% de l'investissement global.
- Les flux d'Investissements Directs Étrangers (IDE) entrants vers les pays de l'OCDE ont diminué au profit des pays émergents depuis la crise financière de 2008. La Chine est également devenue un acteur majeur des IDE sortants.
- La mobilité internationale du capital fixe complexifie la compréhension des décisions d'investissement. Les Entreprises Multinationales (EMN) peuvent réaliser des investissements horizontaux (se substituant à l'investissement domestique) ou verticaux (complémentaires).
- Le développement rapide des capacités de production dans les économies émergentes pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix mondiaux dans certains secteurs, freinant indirectement l'investissement dans les économies développées.
- Analyse ou conclusions : La répartition géographique de l'investissement mondial est en pleine mutation. L'essor des économies émergentes, et particulièrement de la Chine, redessine les flux d'investissement et les stratégies des entreprises multinationales. Cette nouvelle configuration peut avoir des effets contrastés sur les économies développées : opportunités de croissance, mais aussi risques de désindustrialisation dans certains secteurs. La relation entre IDE et investissement domestique reste complexe et dépend du type d'EMN.
- Chiffres importants :
- 30% : Part de la Chine dans les dépenses d'investissement mondiales.
- 16.5% : Part de la Chine dans la production mondiale (en PPA).
- 4/5ème : Part des flux d'IDE totaux reçus par les économies de l'OCDE dans les années 1990, contre moins de la moitié en 2011-2013.
- 7% : Part de la Chine dans les flux sortants d'IDE mondiaux.
- 1 à 2.5% du PIB : Investissements corporels des entreprises sous contrôle étranger dans la plupart des économies OCDE.
- 2.6% : Surcroît d'investissement intérieur potentiel pour une hausse de 10% de l'investissement étranger (selon certaines études).
- Critiques et limitations : Le document se concentre sur les aspects macroéconomiques et globaux de l'investissement. L'analyse de l'impact précis des IDE sur les économies d'accueil et d'origine mériterait d'être plus nuancée, en tenant compte des spécificités sectorielles et nationales.
- Sujet principal : Analyse de la concentration de l'investissement en France selon la taille des entreprises, et questionnement sur l'efficacité de cet investissement (bien que l'extrait se concentre surtout sur la concentration).
- Idées principales :
- Le taux d'investissement des PME est structurellement plus faible et plus stable que celui des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) et des Grandes Entreprises (GE).
- Les GE et ETI, bien que représentant moins de 1% du nombre total d'entreprises, sont à l'origine de 70% de l'investissement total en France.
- La concentration de l'investissement est forte : environ 2% des entreprises réalisent près de 86% du montant total de l'investissement. Cette concentration semble persistante.
- Analyse ou conclusions : L'investissement en France est très fortement concentré entre les mains d'un petit nombre de grandes entreprises. Cette concentration pourrait révéler une difficulté à renouveler le tissu économique, mais une comparaison avec d'autres pays serait nécessaire pour confirmer cette hypothèse. L'étude écarte l'idée que cette concentration serait due à la prise en compte des filiales de grands groupes comme des PME indépendantes.
- Chiffres importants :
- 15-18% : Taux d'investissement des PME.
- 18-29% : Taux d'investissement des GE (plus volatile).
- 70% : Part de l'investissement total réalisée par les GE et ETI (qui représentent moins de 1% du nombre d'entreprises).
- 86% : Part de l'investissement total réalisé par 2,1% des entreprises.
- Critiques et limitations : L'extrait présenté se limite à la description de la concentration de l'investissement. Il ne répond pas directement à la question de l'efficacité de l'investissement, malgré le titre. Une analyse plus poussée serait nécessaire pour évaluer si cette concentration est optimale pour la croissance économique.
- Sujet principal : Analyse conjoncturelle de l'investissement des entreprises non financières (ENF) en France, avec des données du troisième trimestre 2022 et des prévisions à court terme.
- Idées principales :
- L'investissement des ENF a fortement accéléré au troisième trimestre 2022 (+3,1%), dépassant de 8% son niveau d'avant-crise.
- Cette accélération est portée par un rebond dans les produits manufacturés, notamment les matériels de transport, et un dynamisme soutenu dans les services. L'investissement dans la construction est en léger recul.
- Pour le quatrième trimestre 2022 et le premier semestre 2023, un ralentissement de l'investissement est anticipé en raison du contexte économique moins favorable (hausse des prix de l'énergie, resserrement monétaire).
- Analyse ou conclusions : L'investissement des entreprises a montré une forte dynamique au milieu de l'année 2022, mais ce rythme ne devrait pas se maintenir à court terme. Des facteurs conjoncturels défavorables devraient freiner la croissance de l'investissement. Le secteur des services reste le principal moteur de l'investissement.
- Chiffres importants :
- +3,1% : Accélération de l'investissement des ENF au T3 2022.
- +8% : Dépassement du niveau d'investissement d'avant-crise au T3 2022.
- +4,9% : Rebond de l'investissement dans les produits manufacturés au T3 2022.
- +3,7% : Progression de l'investissement dans les services au T3 2022.
- -0,6% : Recul de l'investissement dans la construction au T3 2022.
- +3,2% : Augmentation moyenne annuelle prévue de l'investissement des ENF pour 2022.
- +11,4% : Forte hausse de l'investissement des ENF en 2021.
- Critiques et limitations : Il s'agit d'une note de conjoncture, donc les prévisions sont nécessairement soumises à l'incertitude et peuvent être révisées. L'analyse est principalement descriptive et ne cherche pas à expliquer en profondeur les déterminants de ces évolutions conjoncturelles.
- Sujet principal : Revue de la littérature empirique récente sur les facteurs qui déterminent l'investissement des entreprises, en s'appuyant sur diverses études et approches économétriques.
- Idées principales :
- L'investissement des entreprises est volatile et crucial pour la croissance économique.
- Plusieurs études empiriques mettent en évidence différents déterminants : la demande anticipée (revenus futurs attendus), le coût du capital, l'incertitude économique, le Q de Tobin, les anticipations des dirigeants d'entreprises, etc.
- La demande anticipée apparaît comme un facteur explicatif majeur et robuste. L'incertitude a généralement un impact négatif sur l'investissement. Le rôle du coût du capital et des contraintes financières est plus variable selon les études et les contextes.
- Certaines études suggèrent que les anticipations des dirigeants, même imparfaites ou biaisées, jouent un rôle important dans les décisions d'investissement.
- Analyse ou conclusions : L'investissement des entreprises est un phénomène complexe, influencé par un ensemble de facteurs interdépendants. La littérature empirique souligne l'importance de la demande future anticipée comme moteur principal. L'incertitude est un frein, et les conditions financières peuvent jouer un rôle, bien que leur importance relative soit moins systématique. Les anticipations et les comportements des dirigeants sont également des éléments à prendre en compte. Il n'existe pas de déterminant unique de l'investissement.
- Chiffres importants :
- 0,45 : R² ajusté obtenu dans une étude (Bussière et al., 2015) expliquant l'investissement par la croissance du PIB, l'incertitude et le coût du capital, suggérant que ces facteurs expliquent environ 45% de la variance de l'investissement.
- 0,6 point : Hausse des prévisions de croissance des investissements pour chaque point de pourcentage d'augmentation des anticipations des directeurs financiers (étude de Gennaioli et al., 2015).
- Critiques et limitations : Il s'agit d'une synthèse de recherches existantes, donc les limitations sont celles des études originales. La multiplicité des facteurs et des approches souligne la difficulté de modéliser et de prévoir précisément l'investissement. Les résultats peuvent varier selon les pays, secteurs et périodes étudiés, ainsi que selon les spécifications économétriques.
- Sujet principal : Analyse de la conjoncture des investissements directs étrangers (IDE) mondiaux en 2023, marquée par un ralentissement global dû à l'incertitude économique et à la hausse des taux d'intérêt.
- Idées principales :
- Les IDE mondiaux ont modestement augmenté de 3% en 2023, mais restent en dessous du niveau de 2021. Une baisse est observée dans la plupart des régions du monde, y compris les économies développées (USA, UE, France, Italie) et en développement.
- L'incertitude économique et la hausse des taux d'intérêt sont les principaux facteurs explicatifs de ce ralentissement. La hausse du coût du financement a particulièrement affecté les opérations de financement de projets et les fusions-acquisitions.
- Certains pays font exception à cette tendance baissière, comme le Mexique, grâce à une intensification de ses échanges avec les États-Unis. Le secteur des énergies renouvelables voit une diminution des nouveaux projets.
- Une légère reprise des flux d'IDE est envisagée pour 2024, mais des risques persistent (tensions géopolitiques, niveaux d'endettement élevés).
- Analyse ou conclusions : L'année 2023 a été globalement défavorable aux IDE, malgré une faible progression mondiale qui masque des baisses significatives dans de nombreuses zones. La hausse des taux d'intérêt et le climat d'incertitude pèsent sur les décisions d'investissement international. Les perspectives pour 2024 sont incertaines, bien qu'une légère amélioration soit possible.
- Chiffres importants :
- +3% : Progression des IDE mondiaux en 2023.
- 1370 milliards de dollars : Montant des IDE mondiaux en 2023.
- -3% : Baisse des IDE aux États-Unis.
- -23% : Baisse des IDE dans l'Union Européenne (hors Pays-Bas et Luxembourg).
- -46% : Baisse des IDE en France.
- -53% : Baisse des IDE en Italie.
- -9% : Baisse des IDE dans les pays en développement.
- +21% : Progression des IDE au Mexique.
- -21% : Baisse des opérations de financement de projets internationaux.
- -16% : Baisse des fusions et acquisitions internationales.
- -17% : Baisse des nouveaux projets dans les énergies renouvelables.
- Critiques et limitations : L'article s'appuie sur les données de la CNUCED. L'analyse se concentre sur les facteurs conjoncturels et les évolutions récentes, sans approfondir les dynamiques structurelles des IDE. Les fluctuations importantes observées aux Pays-Bas et au Luxembourg pourraient nécessiter une analyse spécifique pour mieux comprendre les tendances européennes.
- Sujet principal : Présentation et explication du concept économique du "Q de Tobin" comme indicateur des décisions d'investissement des entreprises.
- Idées principales :
- Le Q de Tobin est le rapport entre la valeur boursière d'une entreprise et sa valeur de remplacement (coût de reconstitution à l'identique).
- Si le Q de Tobin est supérieur à 1, cela signale que le marché boursier valorise l'entreprise plus que son coût de remplacement, incitant les dirigeants à investir pour augmenter leurs actifs. Inversement, si le Q est inférieur à 1, il peut être plus avantageux de vendre les actifs.
- Le "Q de Tobin" est un concept qui remet en question le théorème de Modigliani-Miller.
- Sa validité repose sur l'hypothèse que la Bourse évalue correctement la valeur des entreprises, une hypothèse discutable.
- Analyse ou conclusions : Le Q de Tobin est un outil théorique intéressant pour comprendre comment la valorisation boursière des entreprises peut influencer leurs décisions d'investissement. Il suggère un mécanisme de signal de la part des marchés financiers sur l'opportunité d'investir. Cependant, son applicabilité empirique est limitée par la possible inefficacité des marchés boursiers et leur potentialité à générer des bulles spéculatives.
- Chiffres importants : Le Q de Tobin est un ratio ; ce document ne contient pas de données chiffrées spécifiques.
- Critiques et limitations : La principale critique porte sur la validité de l'hypothèse d'efficience des marchés boursiers. Si la Bourse est sujette à des irrationalités et des bulles, le Q de Tobin peut donner des signaux biaisés. Critique hétérodoxe : Les économistes hétérodoxes, souvent critiques envers la finance de marché, pourraient souligner que le Q de Tobin, en se basant sur la valeur boursière, encourage une vision de l'investissementCourt-termiste, spéculative, déconnectée des besoins réels de l'économie productive.
- Sujet principal : Exploration de la relation macroéconomique fondamentale entre épargne (S) et investissement (I), symbolisée par l'identité I=S, et discussion de ses implications pour l'analyse économique et la politique économique.
- Idées principales :
- Dans une économie fermée, l'épargne et l'investissement sont égaux a posteriori (identité comptable). En économie ouverte, un déséquilibre peut être financé par le "reste du monde".
- Il existe deux conceptions principales de la relation a priori entre épargne et investissement :
- Conception "classique" : l'épargne est l'offre de capitaux, l'investissement est la demande. L'équilibre se fait par le taux d'intérêt, qui assure que l'épargne se transforme en investissement. L'épargne est toujours bénéfique.
- Conception "keynésienne" : l'investissement est initié par les entrepreneurs en fonction de leurs perspectives de vente. L'épargne est un résidu du revenu après consommation. Un excès d'épargne peut conduire à une insuffisance de la demande et freiner l'investissement. L'épargne n'est pas toujours un bienfait.
- L'épargne est donc ambivalente : nécessaire pour financer l'investissement à long terme, mais potentiellement néfaste à court terme si elle réduit la demande globale.
- Analyse ou conclusions : La relation entre épargne et investissement est complexe et dépend de la perspective théorique adoptée. L'épargne n'est pas un concept univoque, mais possède une ambivalence : elle est indispensable pour le financement à long terme, mais peut aussi être source de problèmes de débouchés à court terme. Cette ambivalence rend la conception d'une politique d'épargne cohérente particulièrement difficile.
- Chiffres importants : Aucun chiffre important n'est mentionné dans l'extrait, si ce n'est l'observation que les ménages français avaient une forte capacité de financement en 2003 (épargne supérieure à l'investissement des ménages).
- Critiques et limitations : Le document présente une simplification des théories macroéconomiques (opposition tranchée entre vision classique et keynésienne). L'approche est très théorique et mériterait d'être complétée par des analyses empiriques. Critique hétérodoxe : Les économistes hétérodoxes (keynésiens, post-keynésiens) insistent sur la primauté de la demande effective et critiquent la vision "classique" qui suppose que l'offre crée sa propre demande. Ils mettraient en avant le risque qu'un excès d'épargne, notamment dans les mains des plus riches, ne se traduise pas automatiquement en investissement productif, mais plutôt en accumulation financière ou en fuite vers la spéculation, nuisant à la croissance et à l'emploi.
- Sujet principal : Analyse de l'investissement dans l'industrie française, en particulier dans le contexte de la crise économique de 2020 et des enjeux de transition numérique et écologique, avec une comparaison avec l'Allemagne.
- Idées principales :
- La production industrielle française a subi une chute historique en 2020. La reprise est lente et inégale selon les secteurs.
- L'industrie française investit plus en logiciels que ses partenaires européens, mais cet écart est exagéré par des différences comptables. L'investissement immatériel reste concentré dans les grandes entreprises.
- L'industrie française souffre d'un sous-investissement dans les machines et équipements par rapport à l'Allemagne, ce qui est problématique pour sa compétitivité et sa transition écologique.
- Des investissements importants sont nécessaires pour accélérer la transition écologique de l'industrie, mais les entreprises font face à des difficultés financières. Un soutien public à l'investissement est donc souhaitable.
- Analyse ou conclusions : L'industrie française présente des fragilités en matière d'investissement, notamment un sous-investissement dans les équipements et une concentration de l'investissement immatériel entre les grandes entreprises. La transition écologique représente un défi majeur qui nécessite une augmentation de l'investissement. Un soutien à l'investissement, tant matériel que numérique, pourrait être un levier important pour la relance industrielle et la transition écologique.
- Chiffres importants :
- -1/3 : Chute de la production industrielle française en avril 2020 par rapport à avant-crise.
- 6,3% vs 1% : Part de la valeur ajoutée investie en logiciels par l'industrie manufacturière française vs allemande (données nationales, 2017, différence en partie comptable).
- 15% : Seules 15% des entreprises manufacturières françaises ont un investissement immatériel non nul chaque année.
- 40% : Part de l'investissement immatériel réalisé par les grandes entreprises manufacturières.
- 7,6% vs 8,4% : Taux d'investissement en machines et équipements en France vs Allemagne (2017, données EU KLEMS).
- Critiques et limitations : L'analyse est axée sur la comparaison franco-allemande, ce qui peut limiter la généralisation des conclusions. L'article plaide en faveur d'un soutien à l'investissement, ce qui peut influencer la présentation des données et des analyses.
- Sujet principal : Évaluation de l'attractivité de la France pour les investissements étrangers, notamment dans le contexte des politiques de réindustrialisation du gouvernement et du sommet "Choose France".
- Idées principales :
- Le sommet "Choose France" vise à attirer des investissements étrangers en France, en mettant en avant les réformes pro-business et les baisses d'impôts. L'édition 2023 a annoncé 28 projets pour 13 milliards d'euros.
- Selon un baromètre EY, la France est le pays le plus attractif d'Europe en termes de nombre de projets d'IDE en 2022, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne, mais avec une rentabilité en emplois par projet plus faible.
- Les IDE en France ont rebondi après la crise Covid, mais leur niveau en 2021 est similaire à celui de 2011 et inférieur à 2015.
- La France a toujours été une destination attractive en Europe (grand marché, compétences, infrastructures), et a récemment amélioré son attractivité grâce à une fiscalité plus favorable au capital et à des aides publiques.
- Les annonces du sommet "Choose France" représentent environ 10% de l'investissement industriel annuel en France. L'impact sur l'emploi est incertain et pourrait être limité. Un risque de surcapacité dans l'industrie verte est évoqué.
- Analyse ou conclusions : La France conserve une bonne attractivité pour les investissements étrangers, et les politiques récentes semblent renforcer cette position. Cependant, le rebond des IDE ne marque pas une rupture majeure par rapport aux tendances de long terme. L'impact concret des annonces d'investissement en termes d'emploi reste à évaluer. La focalisation sur l'industrie verte suscite des interrogations sur une possible surcapacité future.
- Chiffres importants :
- 28 projets, 13 milliards d'euros : Promesses d'investissement annoncées lors du sommet "Choose France" 2023.
- 1259 projets : Nombre de projets d'IDE recensés en France en 2022 selon le baromètre EY, plaçant la France en tête en Europe.
- 33 emplois par projet : Création d'emplois moyenne par projet d'IDE en France, inférieure à l'Allemagne et au Royaume-Uni.
- 22,8 milliards d'euros : Montant des IDE en France en 2021, niveau équivalent à 2011.
- ~10% : Part des annonces "Choose France" dans l'investissement industriel annuel total en France.
- Critiques et limitations : Le document mélange des éléments de communication politique (sommet "Choose France") et des données économiques. L'accent mis sur les annonces d'investissement peut surestimer l'impact réel et à court terme de ces politiques. La question du risque de surcapacité dans l'investissement vert mériterait d'être approfondie.
- Sujet principal : Exploration du rôle et du potentiel de l'Intelligence Artificielle (IA) pour l'investissement durable, en particulier dans les secteurs des infrastructures et des énergies renouvelables.
- Idées principales :
- L'IA est de plus en plus adoptée dans le secteur financier et par les investisseurs long-terme engagés dans la transition durable. 58% des services financiers mondiaux utilisent l'IA en 2024.
- L'IA permet d'analyser de vastes quantités de données pour identifier et évaluer des opportunités d'investissement alignées sur les critères de développement durable, notamment dans la décarbonation des infrastructures et le secteur des énergies renouvelables.
- Des exemples concrets d'utilisation de l'IA sont présentés : plateforme "Opta" pour optimiser les investissements dans les énergies renouvelables et "Ardian Air Carbon" pour aider les aéroports à réduire leurs émissions.
- L'IA est un outil puissant pour améliorer la performance et la prise de décision, mais elle doit être utilisée de manière raisonnée et prudente, en veillant à la qualité et à la fiabilité des données. L'humain conserve un rôle décisionnel central.
- Analyse ou conclusions : L'IA représente une avancée technologique significative pour l'investissement durable, en offrant des capacités d'analyse et d'optimisation accrues. Le secteur des infrastructures durables et des énergies renouvelables est un champ d'application particulièrement pertinent. L'IA ne remplace pas le jugement humain, mais constitue un outil d'aide à la décision potentiellement transformateur, à condition de maîtriser les enjeux liés à la qualité et à la fiabilité des données.
- Chiffres importants :
- 58% : Proportion des services financiers mondiaux utilisant l'IA en 2024.
- 90% : Proportion d'équipes financières envisageant d'utiliser l'IA d'ici 2026.
- 12,1% : Part des infrastructures dans l'empreinte carbone européenne en 2020.
- >1/3 : Part des émissions totales de gaz à effet de serre aux États-Unis dues aux infrastructures en 2024.
- 2,5 gigawatts (GW) : Puissance du portefeuille d'actifs de production et de stockage d'énergies renouvelables géré avec la plateforme "Opta" d'Ardian.
- 96% : Part des émissions de scope 3 dans les émissions totales liées aux activités aéroportuaires.
- Critiques et limitations : Le document adopte une perspective très optimiste sur le potentiel de l'IA. Bien que les enjeux de fiabilité des données soient mentionnés, une discussion plus approfondie des limites potentielles, des biais possibles de l'IA et des risques éthiques associés aurait été pertinente. Il s'agit d'un témoignage d'acteur du secteur, ce qui peut influencer le ton et la perspective.
- Sujet principal : Synthèse des principaux résultats d'une enquête de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) sur l'investissement des entreprises dans l'Union Européenne en 2023, dans un contexte de ralentissement économique et de choc énergétique.
- Idées principales :
- Malgré un contexte économique incertain en 2023, les entreprises européennes restaient relativement positives quant à leurs perspectives d'investissement. 85% avaient investi en 2022, et 14% net prévoyaient d'augmenter leurs investissements en 2023.
- Les priorités d'investissement restent le remplacement de capacités, le renforcement des capacités et les nouveaux produits/services.
- Le choc énergétique a fortement impacté les entreprises européennes (augmentation des coûts). Les stratégies face à ce choc incluent les économies d'énergie, la renégociation des contrats et la répercussion des coûts sur les clients.
- L'UE accuse un retard en matière d'innovation par rapport aux États-Unis, bien que l'adoption des technologies numériques soit similaire.
- Les principaux obstacles à l'investissement à long terme cités par les entreprises sont les coûts de l'énergie, l'incertitude et le manque de compétences. L'accès au financement devient plus difficile et plus coûteux, avec une insatisfaction croissante à ce sujet.
- Analyse ou conclusions : Les entreprises européennes montrent une certaine résilience de l'investissement malgré un contexte économique difficile. Le choc énergétique et les enjeux climatiques sont des facteurs importants influençant les stratégies d'investissement. L'UE doit renforcer ses efforts en matière d'innovation pour combler son retard par rapport aux États-Unis. L'accès au financement devient une préoccupation croissante pour les entreprises.
- Chiffres importants :
- 85% : Entreprises européennes ayant investi en 2022.
- 14% net positif : Part des entreprises prévoyant d'augmenter leur investissement en 2023 par rapport à celles prévoyant de le diminuer.
- 68% : Entreprises européennes déclarant une augmentation de leurs dépenses énergétiques de 25% ou plus (vs 30% aux USA).
- 90% : Entreprises européennes ayant pris des mesures pour réduire leurs émissions de GES.
- 59% : Entreprises européennes investissant dans l'efficacité énergétique.
- 39% : Entreprises européennes ayant développé des innovations au cours de l'année écoulée (vs 57% aux USA).
- 70% : Entreprises européennes utilisant au moins une technologie numérique de pointe (similaire aux USA).
- 14% : Part des entreprises européennes insatisfaites du coût du financement (contre 5% en 2022).
- 6,1% : Part des entreprises européennes confrontées à des restrictions de financement (7,2% pour les PME).
- 83%, 78%, 81% : Proportion d'entreprises citant respectivement les coûts énergie, l'incertitude et le manque de compétences comme obstacles à l'investissement.
- Critiques et limitations : L'enquête repose sur des déclarations d'entreprises et peut donc être sujette à des biais. La période de collecte (avril-juillet 2023) peut ne plus refléter complètement la situation économique actuelle. Les résultats agrégés au niveau européen masquent les hétérogénéités entre pays et secteurs.
Définition, mesure et typologie de l'investissement
Définition et cadre conceptuel
L'investissement désigne les dépenses consacrées à l'acquisition ou à l'amélioration des moyens de production en vue d'accroître ou de maintenir les capacités productives futures. Il s'agit d'une renonciation à une consommation immédiate pour obtenir des gains futurs, traduisant ainsi une dimension temporelle fondamentale de l'activité économique.
Au sens macroéconomique, l'investissement correspond à la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF), qui mesure les acquisitions d'actifs fixes par les agents économiques résidents. Il s'agit d'un flux qui contribue à augmenter ou maintenir le stock de capital dans l'économie.
L'investissement se distingue de la consommation par sa durabilité (utilisation sur plusieurs périodes) et de l'épargne par sa matérialisation en actifs productifs (l'épargne étant une simple non-consommation du revenu).
Mesure de l'investissement
Indicateurs principaux
- Montant absolu : valeur totale des dépenses d'investissement exprimée en unités monétaires (341 milliards d'euros en 2021 pour les entreprises non-financières françaises).
- Taux d'investissement : rapport entre les dépenses d'investissement et la valeur ajoutée. Pour l'ensemble des entreprises françaises, ce taux est d'environ 22% sur longue période. Il est structurellement plus faible pour les PME (15-18%) que pour les ETI et grandes entreprises (18-29%).
- Effort d'investissement : rapport entre l'investissement et le stock de capital existant, mesurant le rythme de renouvellement et d'augmentation du capital.
Concentration de l'investissement
Un phénomène marquant est la forte concentration de l'investissement :
- En France, 2% des entreprises réalisent environ 88% du montant total de l'investissement des secteurs marchands non agricoles et non financiers.
- Les grandes entreprises et ETI, représentant moins de 1% du nombre total d'entreprises mais 57% de la valeur ajoutée, ont réalisé en moyenne 70% de l'investissement des entreprises sur la période 2000-2014.
Typologie de l'investissement
Selon la nature des actifs
- Investissement corporel (ou matériel) :
- Concerne les actifs physiques : bâtiments, machines, équipements, matériels de transport, etc.
- Représente environ 82-85% de l'investissement non financier pour toutes les tailles d'entreprises en France.
- Le taux d'investissement en machines et équipements était de 7,6% en France en 2017, contre 8,4% en Allemagne.
- Investissement incorporel (ou immatériel) :
- Regroupe les dépenses en R&D, logiciels, bases de données, brevets, marques, formation, organisation, etc.
- Représente 15-18% de l'investissement non financier en France.
- Fortement concentré : seulement 15% des entreprises manufacturières ont un investissement immatériel non nul chaque année.
- Environ 40% de l'investissement immatériel est réalisé par les grandes entreprises.
Selon la finalité économique
- Investissement de capacité : vise à augmenter les capacités de production (30% des entreprises européennes le citent comme priorité).
- Investissement de remplacement/renouvellement : destiné à maintenir le potentiel de production en remplaçant les équipements obsolètes (34% des entreprises le considèrent prioritaire).
- Investissement de productivité : cherche à améliorer l'efficacité productive et réduire les coûts.
- Investissement stratégique : développement de nouveaux produits ou services (26% des entreprises le jugent prioritaire).
- Investissement réglementaire : répond aux évolutions normatives, notamment environnementales.
Selon les agents économiques
- Investissement des entreprises : représente la majorité de l'investissement total et est particulièrement sensible aux cycles économiques.
- Investissement des ménages : principalement constitué d'achats de logements.
- Investissement public : infrastructures, équipements collectifs, recherche fondamentale.
- Investissement direct étranger (IDE) : acquisition par une entité résidente d'un pays d'actifs dans un autre pays avec intention de contrôle durable.
- Les IDE mondiaux ont atteint 1370 milliards de dollars en 2023 (+3% sur un an).
- La part de l'investissement mondial localisée dans les économies émergentes a considérablement augmenté, notamment la Chine qui représente environ 30% des dépenses d'investissement mondiales.
Selon la dimension environnementale
Catégorie émergente qui distingue :
- Investissement vert : vise à réduire l'empreinte environnementale (efficacité énergétique, énergies renouvelables, etc.)
- 56% des entreprises de l'UE ont déjà investi dans la lutte contre le changement climatique.
- 59% des entreprises européennes investissent dans l'efficacité énergétique (hausse de 11 points en un an).
- Investissement brun : contribue aux émissions de gaz à effet de serre ou à d'autres dégradations environnementales.
Indicateurs spécifiques d'analyse
- Q de Tobin : ratio entre la valeur boursière d'une entreprise et sa valeur de remplacement.
- Si Q > 1 : incitation à investir car le marché valorise les actifs plus cher qu'ils ne coûtent.
- Si Q < 1 : incitation à désinvestir car l'entreprise rapporte moins qu'elle ne coûte.
- Taux de rendement interne (TRI) : taux d'actualisation qui annule la valeur actuelle nette d'un investissement.
- Délai de récupération : temps nécessaire pour que les flux de trésorerie générés compensent l'investissement initial.
Limites et enjeux actuels
- Définition comptable limitative : certaines dépenses à caractère d'investissement (formation, organisation) sont comptabilisées en charges courantes.
- Biais statistiques internationaux : des traitements comptables différents entre pays (notamment pour les logiciels) peuvent fausser les comparaisons internationales.
- Sous-investissement structurel : l'industrie française souffre d'un sous-investissement en machines et équipements par rapport à ses concurrents.
- Concentration excessive : la forte concentration de l'investissement sur un petit nombre de grandes entreprises soulève des questions sur le renouvellement du tissu productif.
- Nouveaux défis : les transitions écologique et numérique nécessitent des réorientations massives des flux d'investissement, avec des besoins d'investissement considérables pour atteindre la neutralité carbone.
La décision d'investissement : taux d'intérêt, demande anticipée
Définition et cadre conceptuel
La décision d'investissement constitue un choix stratégique par lequel une entreprise engage des ressources dans un projet dont les bénéfices sont attendus sur une période future. Cette décision s'inscrit dans un cadre d'incertitude et met en jeu des anticipations sur l'évolution de nombreuses variables.
La théorie économique a proposé plusieurs modèles explicatifs de l'investissement, chacun mettant l'accent sur différents déterminants. Si les approches néoclassiques soulignent l'importance du coût du capital et des taux d'intérêt, les approches keynésiennes et post-keynésiennes insistent davantage sur le rôle des anticipations de demande.
Principaux déterminants de l'investissement
1. La demande anticipée : facteur prépondérant
Les recherches empiriques convergent pour identifier la demande anticipée comme le principal déterminant de l'investissement des entreprises. Comme le souligne l'étude de Bussière et al. (2015), elle en est "toujours la principale variable explicative".
Mécanismes d'influence :
- Effet accélérateur : une hausse anticipée de la demande incite les entreprises à accroître leurs capacités de production
- Utilisation des capacités : le taux d'utilisation des capacités existantes constitue un signal important pour décider d'investir
- Croissance du chiffre d'affaires : les perspectives positives de ventes futures justifient l'expansion du capital
L'étude de Palenzuela et Dees (2016) confirme que l'utilisation des capacités et la croissance du chiffre d'affaires ont un impact positif important sur l'investissement dans la zone euro.
Rôle des anticipations des dirigeants :
Selon Gennaioli et al. (2015), "une progression d'un point de pourcentage des anticipations des directeurs financiers s'accompagne d'une hausse de 0,6 point des prévisions de croissance des investissements". Ces anticipations ont tendance à être des extrapolations des performances récentes, ce qui peut expliquer certaines décisions d'investissement excessives en fin de période d'expansion ou insuffisantes en fin de récession.
2. Le taux d'intérêt : impact plus nuancé
Contrairement aux prédictions des modèles théoriques standard, les études empiriques montrent que le taux d'intérêt a un effet moins déterminant qu'attendu sur l'investissement.
Relations complexes :
- Relation souvent non significative statistiquement, voire parfois positive
- Kothari et al. (2015) notent une corrélation positive entre les taux d'intérêt à court terme et la croissance de l'investissement, car les deux augmentent en phase d'amélioration conjoncturelle
- L'impact du taux d'intérêt varie selon les secteurs, les pays et les périodes
Canaux de transmission :
- Coût du capital : un taux d'intérêt élevé augmente le coût d'opportunité de l'investissement
- Conditions de financement : il influence la disponibilité et le coût du financement externe
- Signal économique : les variations de taux peuvent être interprétées comme des signaux sur l'état futur de l'économie
La hausse des taux d'intérêt en 2023 a ainsi contribué à la baisse des IDE mondiaux, particulièrement affectant les financements de projets internationaux (-21%) et les fusions-acquisitions (-16%), bien que leur impact global reste combiné à d'autres facteurs.
3. Autres facteurs influençant la décision d'investissement
L'incertitude : facteur négatif majeur
- Joue un rôle particulièrement négatif en période de récession (Bussière et al., 2015)
- Mesurée par la volatilité des marchés ou la dispersion des prévisions économiques
- Une étude du FMI (2015) démontre son impact négatif, particulièrement dans les secteurs les plus sensibles
Les contraintes financières :
- Spread des obligations d'entreprises
- Accès au financement externe
- Flux de trésorerie et capacité d'autofinancement
Le Q de Tobin :
- Ratio entre valeur boursière et valeur de remplacement de l'entreprise
- Si Q > 1 : incitation à investir car le marché valorise les actifs plus cher qu'ils ne coûtent
- Si Q < 1 : incitation à désinvestir
- Indicateur significatif dans plusieurs études empiriques, bien que son pouvoir explicatif soit discuté
Processus de décision d'investissement
Méthodes d'évaluation des projets
- Valeur Actuelle Nette (VAN) : actualise les flux de trésorerie future au coût du capital
- Taux de Rendement Interne (TRI) : taux d'actualisation qui annule la VAN
- Délai de récupération : temps nécessaire pour que les flux compensent l'investissement initial
- Options réelles : tient compte de la valeur des flexibilités dans un environnement incertain
Critères de décision observés
Les entreprises combinent généralement plusieurs approches :
- Critères financiers (TRI, VAN)
- Critères stratégiques (positionnement sur le marché, avantage concurrentiel)
- Critères opérationnels (productivité, qualité)
- Critères de plus en plus environnementaux et sociaux
Différences selon le type d'investissement et d'entreprise
Par taille d'entreprise
- Grandes entreprises : décisions plus formalisées, horizon plus long, meilleur accès aux financements, moins sensibles aux contraintes financières
- PME : plus sensibles aux contraintes de financement (7,2% des PME européennes restreintes dans leurs possibilités de financement en 2023)
- Start-ups innovantes : davantage guidées par des critères stratégiques que financiers
Par type d'investissement
- Investissements matériels : évaluation plus simple, rendement souvent plus prévisible
- Investissements immatériels : évaluation plus complexe, rendement plus incertain mais potentiellement plus élevé
- Investissements stratégiques : moins sensibles aux variations de taux d'intérêt
- Investissements réglementaires : peu sensibles aux facteurs économiques
Par secteur
- Industries intensives en capital : sensibles au coût du capital et aux perspectives de marché à long terme
- Secteurs technologiques : davantage guidés par les opportunités d'innovation et les parts de marché
- Services : investissements souvent plus légers et plus flexibles
Impact du contexte récent sur les décisions d'investissement
Crise sanitaire et résilience inattendue
Malgré la crise Covid-19, l'investissement des entreprises a fait preuve d'une résilience remarquable :
- En 2020, le taux d'investissement a progressé en France alors que la valeur ajoutée baissait d'environ 8%
- Seuls 5% des dirigeants interrogés ont annoncé un abandon de projets
- Le taux de PME déclarant envisager des dépenses d'investissement est remonté à son niveau d'avant-crise dès début 2021
Transitions et priorités d'investissement actuelles
Les choix d'investissement intègrent désormais davantage :
- La transition numérique (26% des PME déclarent une accélération des dépenses)
- La transition énergétique (59% des entreprises européennes investissent dans l'efficacité énergétique)
- L'adaptation aux nouveaux modes de travail et de consommation
Impact du resserrement monétaire récent
Le durcissement de la politique monétaire depuis 2022 affecte les décisions d'investissement :
- Insatisfaction croissante quant au coût du financement (de 5% à 14% des entreprises de l'UE entre 2022 et 2023)
- 6,1% des entreprises européennes restreintes dans leurs possibilités de financement
- Impact particulièrement visible sur les IDE (-46% en France en 2023)
Limites et critiques des modèles explicatifs
- Rationalité limitée : les décideurs ne disposent pas d'une information parfaite et utilisent des heuristiques simplificatrices
- Facteurs comportementaux : tendance à l'extrapolation excessive, excès d'optimisme ou de pessimisme
- Dimension politique : certaines décisions d'investissement répondent à des considérations de pouvoir ou de prestige plus qu'à une logique économique pure
- Perspectives hétérodoxes : les approches post-keynésiennes soulignent l'incertitude radicale et le rôle des conventions, tandis que les approches institutionnalistes mettent en avant le rôle du cadre institutionnel et des normes sociales
- Particularités nationales : les déterminants de l'investissement varient selon les pays en fonction de leurs structures institutionnelles et socioéconomiques
En conclusion, si la demande anticipée reste le principal moteur de l'investissement, les décisions s'inscrivent dans un cadre complexe où interagissent de multiples facteurs économiques, financiers, psychologiques et institutionnels. La compréhension de ces décisions nécessite une approche pluridisciplinaire qui dépasse les seuls modèles économiques standards.
Les facteurs expliquant l'évolution de l'investissement en France et dans le monde
Définition et cadre conceptuel
L'investissement, défini comme l'acquisition d'actifs permettant d'accroître ou de maintenir les capacités productives futures, constitue un déterminant majeur de la croissance économique à long terme. Son évolution est influencée par un ensemble complexe de facteurs économiques, financiers, technologiques, institutionnels et géopolitiques qui varient selon les pays et les périodes.
Cette fiche analyse les facteurs expliquant les dynamiques d'investissement observées à différentes échelles, en mettant en perspective les tendances mondiales et les spécificités françaises.
Évolution mondiale de l'investissement
Redistribution géographique des flux d'investissement
Une transformation majeure ces dernières décennies concerne la répartition mondiale de l'investissement :
- Montée en puissance des économies émergentes : la part de l'investissement mondial localisée dans ces économies a considérablement augmenté.
- Rôle prépondérant de la Chine : représentant environ 16,5% de la production mondiale, la Chine concentre plus de 30% des dépenses d'investissement mondiales, dont un sixième dans le logement.
- Reconfiguration des IDE : les économies de l'OCDE ont reçu moins de la moitié des flux totaux d'IDE en 2011-13, contre environ 80% dans les années 90.
- Évolution récente des IDE : atteignant 1370 milliards de dollars en 2023 (+3% sur un an), les IDE mondiaux restent toutefois inférieurs à leur niveau de 2021.
Facteurs macroéconomiques mondiaux
Plusieurs facteurs macro-économiques expliquent les tendances d'investissement à l'échelle mondiale :
- Écarts de croissance économique :
- Croissance plus soutenue dans les économies émergentes favorisant l'attraction des investissements
- Trajectoire de développement tirée par l'investissement dans plusieurs pays, notamment en Asie
- Évolution de la spécialisation internationale :
- Fragmentation des chaînes de valeur mondiales
- Délocalisation de segments de production vers des économies à coûts plus faibles
- Développement des EMN verticales fragmentant le processus de production entre différents pays
- Conditions financières mondiales :
- Impact du cycle des taux d'intérêt sur les flux d'investissement
- Rôle de la liquidité mondiale et des politiques monétaires des grandes banques centrales
- Hausse récente des taux ayant plombé les IDE en 2023, particulièrement les financements de projets (-21%) et les fusions-acquisitions (-16%)
- Déséquilibres sectoriels mondiaux :
- Création de capacités excessives dans certains secteurs (notamment en Chine)
- Baisse des prix et érosion de la rentabilité des investissements supplémentaires
- Interventions publiques favorisant parfois l'accroissement des capacités comme objectif en soi
Dynamiques d'investissement en France
Tendances structurelles françaises
L'investissement en France présente plusieurs caractéristiques notables :
- Niveau et structure :
- Taux d'investissement moyen des entreprises françaises d'environ 22% sur longue période
- Investissement corporel dominant (82-85% de l'investissement non financier)
- Sous-investissement en machines et équipements (7,6% en France contre 8,4% en Allemagne en 2017)
- Apparente surreprésentation de l'investissement immatériel, partiellement due à des différences de traitement comptable
- Forte concentration :
- 2% des entreprises réalisent environ 88% du montant total d'investissement
- Les grandes entreprises et ETI (moins de 1% du nombre total d'entreprises) représentent 70% de l'investissement
- Taux d'investissement structurellement plus faible pour les PME (15-18%) que pour les grandes entreprises (18-29%)
- Évolution sectorielle :
- Dynamisme de l'investissement en services (+18,5% par rapport à l'avant-crise sanitaire)
- Difficultés persistantes dans certains secteurs industriels (aéronautique, automobile)
- Inégalités sectorielles face aux transitions écologiques et numériques
Comportement pendant les crises récentes
La résilience de l'investissement français face aux crises récentes est remarquable :
- Pendant la crise financière (2008-2009) :
- Chute brutale suivie d'une reprise lente
- Impact durable sur les capacités de production
- Pendant la crise sanitaire (2020-2021) :
- Résistance inattendue du taux d'investissement alors que la valeur ajoutée baissait d'environ 8%
- Seuls 5% des dirigeants interrogés ont annoncé un abandon de projets
- Soutien efficace des dispositifs publics (PGE, reports d'échéances, activité partielle)
- Rebond rapide : le taux de PME envisageant des investissements est remonté à son niveau d'avant-crise dès début 2021
- Face à la crise énergétique (2022-2023) :
- Impact particulièrement fort sur les entreprises européennes (68% ont subi une hausse des dépenses énergétiques de plus de 25%)
- Adaptation diversifiée : 78% ont proposé des stratégies d'économies d'énergie, 67% ont renégocié leurs contrats énergétiques
Déterminants de l'investissement selon les études empiriques
Les recherches récentes ont identifié une hiérarchie des facteurs explicatifs de l'investissement :
- Facteurs majeurs :
- Demande anticipée : systématiquement identifiée comme le principal déterminant
- Utilisation des capacités : signal important pour décider d'investir
- Incertitude : effet négatif particulièrement marqué en période de récession
- Facteurs secondaires mais significatifs :
- Conditions financières : coût du capital, accès au financement
- Profitabilité et trésorerie : capacité d'autofinancement
- Q de Tobin : ratio entre valeur boursière et valeur de remplacement
- Facteurs spécifiques aux entreprises :
- Endettement : peut freiner l'investissement (effet estimé à -2% suite à la crise Covid)
- Anticipations des dirigeants : forte corrélation avec les plans d'investissement
- Structure organisationnelle : appartenance à un groupe, taille, gouvernance
Évolutions contemporaines et enjeux d'avenir
Émergence des investissements de transition
Les investissements liés aux transitions structurelles sont en forte croissance :
- Transition numérique :
- Accélération post-Covid des dépenses en ce domaine (26% des PME)
- 70% des entreprises européennes utilisent au moins une technologie numérique de pointe
- Retard européen dans certaines technologies clés comme l'intelligence artificielle
- Transition écologique :
- 56% des entreprises de l'UE ont déjà investi dans la lutte contre le changement climatique
- 59% investissent dans l'efficacité énergétique (+11 points en un an)
- Forte augmentation des projets dans l'industrie verte, soulevant des interrogations sur de potentielles surcapacités futures
- Réorganisation des chaînes de valeur :
- Tendance à la relocalisation ou au "nearshoring" suite aux crises récentes
- Investissements dans la résilience des chaînes d'approvisionnement
- Progression de 16% du nombre de projets dans les secteurs à forte intensité dans la chaîne de valeur mondiale
Facteurs d'attractivité des territoires
La compétition pour attirer les investissements s'intensifie autour de facteurs clés :
- Atouts structurels français :
- Position géographique centrale en Europe
- Qualification de la main-d'œuvre et infrastructures de qualité
- Niveau d'éducation et de recherche
- Politiques d'attractivité récentes :
- Alignement de la fiscalité sur le capital (baisse de l'IS, des impôts de production)
- Crédit impôt recherche et régime fiscal favorable pour la propriété intellectuelle
- Soutien public actif aux industries stratégiques via les PIIEC
- Compétition internationale :
- Impact de l'Inflation Reduction Act américain
- Politiques industrielles ciblées (semi-conducteurs, véhicules électriques)
- Baisse des IDE en France (-46% en 2023) soulevant des questions sur l'efficacité relative des politiques d'attractivité
Obstacles contemporains à l'investissement
Les entreprises européennes identifient plusieurs freins majeurs à leur investissement :
- Obstacles économiques :
- Coûts de l'énergie (83% des entreprises)
- Incertitude économique et géopolitique (78%)
- Perspectives de demande insuffisantes
- Obstacles au financement :
- Détérioration des conditions de financement (14% d'entreprises insatisfaites contre 5% l'année précédente)
- 6,1% des entreprises restreintes dans leurs possibilités de financement (+1,4 point)
- Impact plus fort sur les PME (7,2% restreintes)
- Obstacles structurels :
- Manque de compétences (81% des entreprises)
- Réglementations et normes en évolution
- Difficultés d'approvisionnement et perturbations des chaînes de valeur
Évaluations et limites
Bilan de l'investissement français
- Forces :
- Résilience face aux crises (Covid, énergie)
- Dynamisme dans certains secteurs (services, numérique)
- Attractivité relative (1259 projets d'investissements étrangers en 2022, première position européenne)
- Faiblesses :
- Concentration excessive sur un petit nombre d'entreprises
- Sous-investissement en machines et équipements par rapport aux concurrents
- Moindre création d'emplois par projet d'investissement (33 emplois par projet contre 58 en Allemagne)
Limites des analyses et perspectives critiques
- Limites méthodologiques :
- Difficultés de comparaison internationale dues aux différences de traitement comptable
- Écart entre annonces d'investissement et réalisations effectives
- Sous-estimation de certains investissements immatériels (organisation, formation)
- Critiques hétérodoxes :
- Tension entre logique financière court-termiste et besoins d'investissement de long terme
- Question de la qualité et de l'orientation des investissements au-delà de leur volume
- Risques de "malinvestissement" dans certains secteurs sous l'effet des politiques de soutien
- Défis futurs :
- Besoin massif d'investissements pour la transition écologique
- Réorientation nécessaire des flux financiers vers des actifs productifs durables
- Évolution du contenu en emploi des nouveaux investissements (plus capitalistiques, moins créateurs d'emplois directs)
En conclusion, l'évolution de l'investissement reflète des transformations économiques profondes impliquant une reconfiguration mondiale des capacités productives. Si la France conserve des atouts d'attractivité, les défis liés aux transitions écologiques et numériques nécessiteront un effort d'investissement considérable, dont la réalisation dépendra de multiples facteurs économiques, financiers et institutionnels.
Investissement et incertitude
Définition et cadre conceptuel
L'incertitude économique désigne l'impossibilité de prévoir avec précision les événements futurs et leurs impacts. Contrairement au risque, qui peut être probabilisé, l'incertitude renvoie à des situations où la distribution des probabilités elle-même est inconnue ou incalculable. Cette distinction, établie par Knight (1921) puis approfondie par Keynes, est fondamentale pour comprendre la relation entre incertitude et investissement.
L'investissement, en tant qu'engagement de ressources dans le présent pour des rendements futurs, est intrinsèquement lié à l'anticipation de l'avenir. L'incertitude affecte donc particulièrement les décisions d'investissement, générant généralement un effet négatif significatif sur celles-ci, comme le confirment de nombreuses études empiriques.
Canaux de transmission entre incertitude et investissement
Effet direct : la valeur d'option de l'attente
Le principal mécanisme par lequel l'incertitude affecte l'investissement repose sur la théorie des options réelles. Dans un contexte incertain :
- L'investissement est en grande partie irréversible (coûts irrécupérables)
- Les entreprises ont la flexibilité de reporter leurs décisions
- Attendre permet d'obtenir de nouvelles informations
Cette combinaison crée une "valeur d'option de l'attente" : en période d'incertitude élevée, les entreprises préfèrent souvent différer leurs projets d'investissement jusqu'à ce que l'environnement s'éclaircisse. Comme l'expliquent Dixit et Pindyck (1994), cette attente possède une valeur économique réelle qui s'accroît avec l'incertitude.
Effets indirects
L'incertitude influence également l'investissement via d'autres canaux :
- Prime de risque : l'incertitude accroît les primes de risque exigées par les investisseurs, augmentant le coût du capital.
- Contraintes financières : elle amplifie les problèmes d'asymétrie d'information entre prêteurs et emprunteurs, renforçant les contraintes d'accès au financement.
- Prudence des gestionnaires : face à l'incertitude, les dirigeants peuvent adopter une gestion plus conservatrice des liquidités (cash hoarding).
- Dégradation des anticipations : l'incertitude peut détériorer les anticipations de demande future, principal déterminant de l'investissement.
Mesures empiriques de l'incertitude
Les études empiriques utilisent diverses métriques pour capturer l'incertitude :
- Indicateurs de volatilité financière :
- Indice VIX (volatilité implicite des options sur le S&P 500)
- Volatilité des rendements boursiers
- Dispersion des anticipations :
- Écart-type des prévisions de croissance du PIB entre prévisionnistes
- Dispersion des anticipations des chefs d'entreprise
- Indicateurs d'incertitude politique :
- Economic Policy Uncertainty Index (Baker, Bloom et Davis)
- Fréquence de termes liés à l'incertitude dans les médias
- Mesures subjectives :
- Enquêtes auprès des entreprises sur l'incertitude perçue
- Sentiment exprimé dans les rapports annuels ou les communications d'entreprises
Résultats empiriques sur la relation incertitude-investissement
Preuves de l'impact négatif
Les recherches empiriques confirment majoritairement l'effet négatif de l'incertitude sur l'investissement :
- Bussière et al. (2015) montrent que l'incertitude est un facteur important de l'investissement, avec un effet particulièrement négatif en période de récession.
- Une étude du FMI (2015) met en évidence l'impact manifestement négatif de l'incertitude politique sur l'investissement, particulièrement dans les secteurs qui y sont le plus sensibles.
- Banerjee et al. (2015) identifient la mesure de l'incertitude (l'écart-type des prévisions relatives au PIB) comme l'une des trois variables statistiquement significatives expliquant la croissance de l'investissement.
- L'enquête de la BEI sur l'investissement (2023) confirme que 78% des entreprises européennes citent l'incertitude comme un obstacle majeur à l'investissement.
Variations selon le contexte
L'intensité de la relation négative entre incertitude et investissement varie selon :
- Le type d'entreprise :
- Les PME semblent plus vulnérables à l'incertitude que les grandes entreprises
- Les entreprises financièrement contraintes réagissent plus fortement
- Le secteur d'activité :
- Les secteurs à forte intensité capitalistique sont plus sensibles
- Les industries avec des actifs à longue durée de vie montrent une plus grande réactivité
- Le type d'investissement :
- Les investissements facilement différables sont plus affectés
- Les investissements de maintenance essentiels sont relativement préservés
- Le contexte macroéconomique :
- L'effet est amplifié en période de récession ou de faible croissance
- L'impact est atténué dans un environnement de taux d'intérêt très bas
Manifestations historiques de la relation incertitude-investissement
Crises financières et économiques majeures
Les périodes de forte incertitude ont historiquement coïncidé avec des baisses marquées de l'investissement :
- Crise financière de 2008-2009 : l'incertitude mondiale a atteint des sommets, entraînant un effondrement de l'investissement dans la plupart des économies avancées.
- Crise de la dette souveraine européenne (2010-2013) : Barkbu et al. (2015) ont identifié un "sous-investissement considérable" dans les pays étudiés pendant cette période, que le modèle d'accélérateur standard ne parvient pas à expliquer, suggérant un rôle important de l'incertitude.
Incertitude politique et événements géopolitiques
Les incertitudes d'origine politique affectent particulièrement l'investissement :
- Brexit : l'incertitude liée au référendum britannique de 2016 et aux négociations qui ont suivi a entraîné un ralentissement significatif de l'investissement au Royaume-Uni.
- Tensions commerciales USA-Chine : l'escalade des mesures protectionnistes a augmenté l'incertitude mondiale et freiné l'investissement international.
- Pandémie de COVID-19 : contrairement aux prédictions basées sur l'incertitude extrême, l'investissement a montré une résilience inattendue, probablement grâce aux mesures de soutien massives et à la nature exogène de la crise.
Le cas particulier de la crise COVID-19
La crise sanitaire constitue un cas d'étude particulièrement intéressant de la relation incertitude-investissement :
Résilience paradoxale
Malgré une incertitude record, l'investissement des entreprises a fait preuve d'une remarquable résistance :
- En 2020, les entreprises françaises ont réduit leurs investissements par rapport à 2019, mais le taux d'investissement a progressé alors que la valeur ajoutée baissait d'environ 8%.
- Seuls 5% des dirigeants interrogés ont annoncé un abandon de projets d'investissement (principalement dans les secteurs les plus touchés : aéronautique, filière viti-vinicole, tourisme et restauration).
- Le taux de PME déclarant envisager des dépenses d'investissement est remonté à son niveau d'avant-crise dès le début de l'année 2021.
Facteurs explicatifs de cette résilience
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette résistance inhabituelle :
- Efficacité des mesures de soutien : PGE, reports d'échéances, activité partielle ont neutralisé les impasses de trésorerie et préservé les capacités d'investissement.
- Nature exogène de la crise : contrairement aux crises financières, la pandémie était perçue comme temporaire et non liée à des déséquilibres économiques structurels.
- Accélération des transformations : la crise a agi comme catalyseur pour certains investissements, notamment dans la digitalisation et l'adaptation des processus de production.
- Anticipation de la reprise : la certitude d'une reprise post-restrictions a maintenu des anticipations de demande future relativement favorables.
Stratégies d'adaptation des entreprises face à l'incertitude
Les entreprises développent diverses stratégies pour gérer l'investissement en contexte incertain :
Flexibilisation des investissements
- Modularité : conception de projets par phases pouvant être interrompues ou redimensionnées
- Options d'extension : prévoir des possibilités d'agrandissement ultérieur
- Polyvalence : privilégier les équipements adaptables à différents usages
Diversification des risques
- Portefeuille de projets : multiplier les projets de taille moyenne plutôt qu'un seul grand projet
- Partenariats : partager les risques via des joint-ventures ou des alliances
- Diversification géographique : répartir les investissements sur différents marchés
- Investissement en intelligence économique : renforcer la veille stratégique
- Projets pilotes : tester à petite échelle avant de déployer
- Sondages de marché : réduire l'incertitude sur la demande
Politiques publiques face à l'incertitude
Les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers pour atténuer l'impact négatif de l'incertitude sur l'investissement :
Réduction de l'incertitude
- Prévisibilité réglementaire : stabiliser le cadre juridique et fiscal
- Transparence des politiques : communiquer clairement sur les orientations futures
- Coordination internationale : harmoniser les approches entre pays
Compensation du risque
- Garanties publiques : partager le risque avec le secteur privé (comme les PGE pendant la crise COVID)
- Incitations fiscales : amortissements accélérés ou crédits d'impôt pour stimuler l'investissement
- Cofinancements : participation directe de l'État aux projets stratégiques
Soutien contracyclique
- Investissement public : compenser la baisse de l'investissement privé en période d'incertitude
- Politique monétaire accommodante : réduire le coût du capital
- Stabilisateurs automatiques : maintenir la demande agrégée
Perspectives théoriques et critiques
Apports des différents courants de pensée
- Vision néoclassique : l'incertitude est un phénomène exogène et transitoire; le marché finit par la gérer efficacement.
- Approche keynésienne : l'incertitude est fondamentale et irréductible; elle justifie l'intervention publique pour soutenir l'investissement.
- Perspective comportementale : l'aversion à l'ambiguïté des décideurs amplifie les effets de l'incertitude objective.
- École autrichienne : l'incertitude fait partie intégrante du processus entrepreneurial et ne peut être éliminée.
Limites et enjeux contemporains
- Nouvelles sources d'incertitude : changement climatique, ruptures technologiques, transformations géopolitiques créent des incertitudes structurelles difficiles à intégrer dans les modèles traditionnels.
- Incertitude et transition écologique : la nécessité d'investissements massifs pour la décarbonation se heurte à l'incertitude concernant les technologies futures, les politiques climatiques et les préférences des consommateurs.
- Numérisation et incertitude : l'IA et les outils d'analyse de données promettent de réduire certaines incertitudes tout en en créant de nouvelles.
- Financiarisation et court-termisme : la pression des marchés financiers peut exacerber la sensibilité de l'investissement à l'incertitude de court terme au détriment des projets à long terme.
Conclusion
L'incertitude demeure un déterminant majeur des décisions d'investissement, avec généralement un effet négatif significatif confirmé par la recherche empirique. Cependant, la résilience de l'investissement pendant la crise COVID-19 montre que cette relation n'est pas mécanique et peut être modulée par des facteurs contextuels et des politiques appropriées.
Dans un monde caractérisé par des incertitudes croissantes (géopolitiques, technologiques, climatiques), la capacité des entreprises à investir malgré l'incertitude devient un avantage compétitif crucial, tandis que les politiques publiques doivent trouver un équilibre entre réduction de l'incertitude et accompagnement des transformations nécessaires.
Le Q de Tobin
Définition et cadre conceptuel
Le Q de Tobin est un indicateur économique développé par l'économiste américain James Tobin (1918-2002), lauréat du prix Nobel d'économie en 1981. Il mesure le rapport entre la valeur boursière d'une entreprise et sa valeur économique de remplacement (ou coût de remplacement de ses actifs).
Formellement, le Q de Tobin se définit comme :
Q = Valeur de marché de l'entreprise / Coût de remplacement des actifs
La valeur de marché comprend généralement la capitalisation boursière (pour les actions) et la valeur de marché de la dette, tandis que le coût de remplacement représente ce qu'il faudrait débourser pour reconstituer l'entreprise à l'identique avec des actifs neufs.
Cet indicateur vise à déterminer si une entreprise est surévaluée ou sous-évaluée par le marché par rapport à la valeur intrinsèque de ses actifs, et à en déduire des décisions optimales d'investissement.
Fondements théoriques et logique économique
Principe de base
La théorie sous-jacente au Q de Tobin repose sur un raisonnement simple :
- Si Q > 1 : la valeur boursière excède le coût de remplacement des actifs. Cela signifie que les investisseurs valorisent l'entreprise plus que la simple somme de ses actifs, probablement en raison de perspectives de croissance, d'avantages concurrentiels ou d'actifs intangibles. Dans ce cas, il est théoriquement avantageux pour l'entreprise d'investir davantage, puisque chaque unité monétaire investie dans de nouveaux actifs générera une valeur supérieure sur le marché.
- Si Q < 1 : la valeur boursière est inférieure au coût de remplacement. Le marché valorise l'entreprise moins que la simple valeur de ses actifs, suggérant un rendement insuffisant du capital investi. Dans ce cas, les actionnaires auraient théoriquement intérêt à vendre ou liquider certains actifs plutôt qu'à investir davantage.
Intégration dans la théorie de l'investissement
Le Q de Tobin s'intègre dans le cadre plus large de la théorie néoclassique de l'investissement :
- Il propose une alternative aux modèles traditionnels basés sur le coût du capital et le taux de rendement interne.
- Il intègre les anticipations du marché concernant la rentabilité future des investissements.
- Il offre une mesure synthétique permettant de rationaliser les décisions d'investissement.
Palenzuela et Dees (2016) ont confirmé empiriquement que le ratio Q de Tobin est positivement et significativement corrélé avec l'investissement des entreprises dans la zone euro.
Applications pratiques du Q de Tobin
Comme guide d'investissement
Le Q de Tobin peut servir de boussole pour orienter les décisions d'investissement à plusieurs niveaux :
- Pour les dirigeants d'entreprise :
- Déterminer s'il faut augmenter les capacités de production
- Arbitrer entre croissance interne (investissement) et croissance externe (acquisition)
- Décider du moment opportun pour investir
- Pour les investisseurs financiers :
- Identifier des cibles potentielles d'acquisition sous-évaluées (Q < 1)
- Évaluer l'efficacité de l'allocation du capital par le management
- Anticiper les stratégies probables des entreprises selon leur ratio Q
- Pour les analystes économiques :
- Mesurer l'efficience allocative à l'échelle sectorielle ou macroéconomique
- Détecter d'éventuelles bulles spéculatives (Q globalement très élevé)
- Analyser les cycles d'investissement
Variantes et indicateurs dérivés
Plusieurs adaptations du Q de Tobin ont été développées pour des applications spécifiques :
- Q marginal : mesure l'effet d'un investissement incrémental sur la valeur de l'entreprise
- Q moyen simplifié : approximation utilisant uniquement la capitalisation boursière et les actifs comptables
- Q sectoriel : application du concept à l'échelle d'un secteur d'activité entier
Utilisation dans les recherches empiriques
Le Q de Tobin est fréquemment utilisé dans les études économétriques sur l'investissement :
- Banerjee et al. (2015) intègrent le Q de Tobin parmi les variables explicatives de l'investissement des entreprises.
- L'étude du FMI (2015) établit une relation significative entre l'investissement des entreprises et les valeurs décalées du Q de Tobin.
- Il permet d'isoler l'effet des opportunités d'investissement des autres déterminants comme les contraintes financières.
Les recherches empiriques montrent généralement une relation positive entre le Q de Tobin et l'investissement, même si son pouvoir explicatif est souvent modeste lorsqu'il est utilisé seul, suggérant que d'autres facteurs (demande anticipée, incertitude, contraintes financières) jouent également un rôle important.
Difficultés de mesure et limites conceptuelles
Défis méthodologiques
La mise en œuvre pratique du Q de Tobin se heurte à plusieurs difficultés :
- Évaluation du coût de remplacement :
- Difficulté d'estimer précisément ce que coûterait la reconstitution d'une entreprise
- Problèmes d'obsolescence technologique et de dépréciation des actifs
- Absence de marché actif pour certains équipements spécialisés
- Valorisation des actifs intangibles :
- Les actifs incorporels (R&D, brevets, marques, capital humain) sont souvent mal reflétés dans les comptes
- Leur importance croissante dans l'économie moderne complique l'interprétation du Q
- Ces actifs peuvent expliquer des valeurs de Q durablement supérieures à 1
- Distorsions comptables et fiscales :
- Différences entre valeurs historiques et valeurs courantes des actifs
- Impact des méthodes d'amortissement sur la valeur comptable
- Effets des régimes fiscaux sur la valeur des actifs
Critiques théoriques
Le concept du Q de Tobin fait l'objet de plusieurs critiques fondamentales :
- Hypothèse d'efficience des marchés financiers :
- Le Q de Tobin repose sur l'idée que la Bourse évalue parfaitement la valeur d'une entreprise
- Cette hypothèse est régulièrement remise en question par l'observation des bulles spéculatives et des krachs boursiers
- Les biais comportementaux des investisseurs peuvent déconnecter les valorisations des fondamentaux économiques
- Contradiction avec le théorème de Modigliani-Miller :
- Le théorème de Modigliani-Miller stipule que, dans certaines conditions, la valeur d'une entreprise est indépendante de sa structure financière
- Le Q de Tobin suggère au contraire que les décisions d'investissement devraient être influencées par la valorisation boursière
- Cette tension reflète des hypothèses différentes sur l'efficience des marchés et l'information disponible
- Limites de l'approche purement financière :
- Le Q néglige les considérations stratégiques, concurrentielles ou technologiques qui peuvent justifier des investissements même avec un Q < 1
- Il ne tient pas compte des synergies potentielles entre les actifs existants et nouveaux
- Il sous-estime l'importance de l'investissement défensif ou réglementaire
Perspectives théoriques alternatives
Approche keynésienne et post-keynésienne
Les économistes d'inspiration keynésienne proposent une vision différente :
- L'incertitude fondamentale rend problématique l'idée que les marchés financiers peuvent évaluer correctement la rentabilité future des investissements
- Les conventions et l'état général de la confiance influencent davantage les décisions d'investissement que les calculs rationnels basés sur le Q
- Le Q de Tobin serait plus un reflet des "esprits animaux" des investisseurs qu'un indicateur fiable des opportunités d'investissement objectives
Vision institutionnaliste
Les approches institutionnalistes soulignent :
- L'importance du cadre institutionnel et des rapports de force dans les décisions d'investissement
- Le rôle des structures de gouvernance d'entreprise dans l'interprétation et l'utilisation du Q
- Les différences nationales dans les systèmes financiers influençant la relation entre Q et investissement
Perspective comportementale
Les économistes comportementaux mettent en avant :
- Les biais cognitifs des dirigeants dans l'interprétation des signaux du marché
- La tendance à l'extrapolation excessive des performances passées
- L'influence du framing (cadrage) des décisions d'investissement
Le Q de Tobin dans le contexte économique contemporain
Évolution dans une économie de plus en plus immatérielle
Le ratio Q moyen des entreprises a augmenté tendanciellement depuis plusieurs décennies, particulièrement dans les économies avancées. Cette hausse s'explique en partie par :
- La part croissante des actifs incorporels, souvent sous-évalués dans les bilans comptables
- L'importance grandissante des effets de réseau et des rendements d'échelle croissants
- La concentration accrue de nombreux secteurs, créant des rentes économiques
Ces transformations compliquent l'interprétation du Q comme guide d'investissement, un Q élevé pouvant refléter une réelle création de valeur immatérielle plutôt qu'une bulle spéculative.
Contexte de taux d'intérêt bas et politiques monétaires non conventionnelles
Les politiques monétaires accommodantes de la dernière décennie ont probablement influencé le Q de Tobin :
- Les faibles taux d'intérêt augmentent mécaniquement la valorisation des actifs financiers
- Les programmes d'achat d'actifs ont poussé les investisseurs vers les marchés actions
- Ces facteurs ont pu déconnecter partiellement le Q des fondamentaux économiques
La normalisation monétaire en cours depuis 2022 pourrait ainsi entraîner une réévaluation significative du Q de nombreuses entreprises, particulièrement dans les secteurs à forte croissance.
Applications à l'investissement durable
Le Q de Tobin trouve de nouvelles applications dans l'analyse des investissements liés à la transition écologique :
- Évaluation de la prime de marché accordée aux entreprises ayant une stratégie bas-carbone
- Analyse de l'efficacité des investissements verts en termes de création de valeur actionnariale
- Indicateur de l'alignement entre valorisation financière et performance environnementale
Comparaison avec d'autres indicateurs d'investissement
Le Q de Tobin s'inscrit dans une famille d'indicateurs guidant les décisions d'investissement :
| Indicateur | Principe | Avantages | Limites |
|---|
| Q de Tobin | Rapport valeur de marché/coût de remplacement | Intègre les anticipations du marché | Repose sur l'efficience des marchés |
| VAN (Valeur Actuelle Nette) | Actualisation des flux futurs | Rigueur calculatoire | Sensibilité au taux d'actualisation |
| TRI (Taux de Rendement Interne) | Taux annulant la VAN | Facilité de comparaison | Ne tient pas compte de la taille des projets |
| Période de récupération | Temps pour récupérer l'investissement initial | Simplicité | Néglige les flux au-delà du seuil |
| ROI (Return On Investment) | Rapport gain/coût | Intuitivité | Néglige la temporalité des flux |
Conclusion
Le Q de Tobin offre un cadre conceptuel élégant pour guider les décisions d'investissement en reliant valorisation boursière et valeur fondamentale des actifs. Son principal mérite est d'intégrer les anticipations du marché concernant la rentabilité future des investissements.
Cependant, il repose sur des hypothèses contestables concernant l'efficience des marchés financiers et se heurte à d'importantes difficultés de mesure, particulièrement dans une économie de plus en plus immatérielle. Ces limites expliquent pourquoi, dans la pratique, le Q de Tobin n'est généralement qu'un indicateur parmi d'autres dans le processus de décision d'investissement.
Au-delà de son application directe, le Q de Tobin a contribué significativement à la compréhension théorique des liens entre marchés financiers et économie réelle, et continue d'être un concept fondamental en économie financière et en analyse macroéconomique.