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Analyse du Document 10 : "Réindustrialisation : 'La France a toujours eu une position attractive pour les investisseurs étrangers'"

Sujet principal

Cet article de Louis Mollier-Sabet pour Public Sénat (15 mai 2023) analyse de façon critique les annonces d'investissements étrangers en France dans le cadre du sommet "Choose France", en interrogeant leur portée réelle sur l'emploi et la réindustrialisation, tout en évaluant les facteurs d'attractivité du pays.

Idées principales

  1. Contexte et annonces du sommet "Choose France":
    • Organisation du sommet "Choose France" par Emmanuel Macron à Versailles avec plus de 200 chefs d'entreprise étrangers.
    • Annonce de 28 projets d'investissement totalisant 13 milliards d'euros (contre 10,6 milliards en 2022).
    • Stratégie présidentielle combinant communication offensive et focus sur l'attractivité économique.
    • Importance du secteur des véhicules électriques dans les annonces (usine de batteries de lithium à Dunkerque, usine de panneaux solaires à Sarreguemines).
  2. Évaluation de l'attractivité française:
    • Selon le baromètre d'Ernst & Young, la France est le pays le plus attractif d'Europe en termes de nombre de projets d'investissements étrangers (1259 en 2022).
    • Ce chiffre place la France devant le Royaume-Uni (929) et l'Allemagne (832).
    • Cependant, un projet d'investissement en France crée en moyenne 33 emplois, contre 58 et 59 pour l'Allemagne et le Royaume-Uni.
    • 65% de ces projets sont des extensions de sites existants, ce qui relativise leur impact transformateur.
    • Les IDE en France ont rebondi après la crise Covid (22,8 milliards en 2021 contre 1,9 milliard en 2020), mais ce niveau équivaut à celui de 2011 et reste inférieur à celui de 2015 (40,9 milliards).
  3. Facteurs d'attractivité structurels et récents de la France:
    • Selon Sarah Guillou (économiste à l'OFCE), la France bénéficie d'une position géographique centrale, d'une main-d'œuvre qualifiée et d'infrastructures de qualité.
    • Facteurs récents d'attractivité: alignement de la fiscalité sur le capital (baisse du taux d'IS et des impôts de production), régime fiscal favorable pour la propriété intellectuelle, crédit impôt recherche.
    • Soutien public actif aux industries stratégiques via les PIIEC (Projets Importants d'Intérêt Européen Commun).
    • Maintien de l'attractivité malgré la concurrence de l'Inflation Reduction Act américain.
    • Importance des investissements de long terme dans la recherche et l'éducation.
  4. Perspectives et limites de ces investissements:
    • Les annonces du sommet représentent environ 10% de l'investissement "normal" dans l'industrie française (70 milliards par an).
    • Impact incertain sur l'emploi, avec un décalage entre les annonces et la réalisation effective.
    • Le contenu en emploi de l'industrie de demain sera structurellement inférieur à celui de l'industrie d'hier.
    • Risque potentiel de surcapacité dans l'industrie verte si tous les pays investissent simultanément dans les mêmes secteurs.

Analyse et conclusions

  • L'article adopte une approche nuancée, reconnaissant l'attractivité réelle de la France tout en questionnant la portée transformatrice des investissements annoncés.
  • L'écart entre le nombre de projets d'investissements et leur impact effectif en termes d'emplois révèle la nécessité d'aller au-delà des annonces pour évaluer leur contribution à la réindustrialisation.
  • La question de la qualité et de la pérennité des investissements est posée, notamment à travers la distinction entre créations nouvelles et extensions de sites existants.
  • Les facteurs d'attractivité structurels (géographie, compétences, infrastructures) semblent plus déterminants que les mesures fiscales ponctuelles.
  • L'article souligne la tension entre la volonté politique de réindustrialisation et les transformations structurelles de l'industrie (automatisation, numérisation) qui limitent la création d'emplois.

Chiffres importants

  • 28 projets pour 13 milliards € : annonces d'investissements lors du sommet "Choose France" 2023
  • 1259 projets : nombre de projets d'investissements étrangers en France en 2022
  • 33 emplois en moyenne créés par projet d'investissement en France, contre 58 en Allemagne
  • 65% : proportion des projets qui sont des extensions de sites existants
  • 22,8 milliards € : montant des IDE en France en 2021 (contre 40,9 milliards en 2015)
  • 70 milliards € : investissement annuel "normal" dans l'industrie française
  • 10% : part approximative que représentent les annonces de "Choose France" dans l'investissement industriel annuel

Critiques et limitations

  • L'article donne la parole principalement à une seule économiste (Sarah Guillou), ce qui limite la diversité des perspectives sur l'attractivité française.
  • Des économistes hétérodoxes pourraient s'interroger sur la durabilité d'un modèle d'attractivité basé en partie sur des avantages fiscaux, qui peuvent engendrer une concurrence fiscale destructrice entre pays.
  • La question de la souveraineté économique et technologique face aux investissements étrangers n'est pas suffisamment abordée.
  • L'article évoque le risque de surcapacité dans l'industrie verte mais n'approfondit pas la question de la coordination internationale des politiques industrielles.
  • La dimension sociale des investissements (types d'emplois créés, conditions de travail, négociations avec les partenaires sociaux) est absente de l'analyse.
  • L'article mentionne les PIIEC mais n'examine pas en détail l'articulation entre stratégie industrielle nationale et européenne.