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Analyse du Document 9 : "L'investissement privé, un levier capital de la reprise industrielle"

Sujet principal

Dans cet article publié dans La Tribune (7 juin 2021), l'économiste Caroline Mini analyse les défis et les enjeux de l'investissement industriel en France dans le contexte post-Covid, en soulignant les spécificités françaises, notamment concernant l'investissement immatériel et le besoin d'accélérer les investissements pour la transition écologique.

Idées principales

  1. Impact de la crise Covid sur l'industrie française:
    • Chute historique d'un tiers de la production industrielle en avril 2020 par rapport au niveau pré-crise.
    • Perspectives de reprise inégales selon les secteurs, avec des difficultés persistantes pour l'automobile et l'aéronautique.
    • Augmentation des entreprises ayant un excédent brut d'exploitation négatif, pouvant doubler en 2021 selon une étude PwC/UIMM.
    • Report ou annulation de nombreux projets d'investissement, compromettant l'avenir industriel.
  2. Spécificités de l'investissement industriel français:
    • Les industriels français investissent davantage que leurs partenaires européens selon les comptes nationaux.
    • Écart particulièrement marqué dans les logiciels et bases de données: 6,3% de la valeur ajoutée en France contre 1% en Allemagne (2017).
    • Cette différence s'explique largement par un traitement comptable différent des dépenses en logiciels dans la comptabilité nationale française.
    • En réalité, l'écart de dépenses réelles en logiciels et services informatiques est plus modeste, de l'ordre de 2 milliards d'euros par an.
  3. Concentration et limites de l'investissement immatériel:
    • Forte concentration: seulement 15% des entreprises manufacturières ont un investissement immatériel non nul chaque année.
    • Près de 40% de l'investissement immatériel est réalisé par les grandes entreprises.
    • Sous-investissement des petites entreprises, malgré leur rôle potentiel dans l'offre de solutions innovantes, notamment pour la transition bas carbone.
  4. Sous-investissement dans les machines et équipements:
    • Taux d'investissement en machines et équipements de 7,6% en France contre 8,4% en Allemagne en 2017.
    • Conséquences négatives sur la modernisation du parc industriel et la réduction de l'empreinte carbone.
    • Nécessité d'investissements importants pour accélérer la transition écologique dans un contexte où les industriels manquent de marges financières.

Analyse et conclusions

  • La crise Covid a révélé et accentué les fragilités structurelles de l'industrie française, notamment son déficit d'investissement productif.
  • Le prétendu avantage français en matière d'investissement immatériel est en grande partie un artefact statistique lié à des conventions comptables, masquant un retard réel.
  • La concentration de l'investissement sur un petit nombre de grandes entreprises constitue un frein à la diffusion de l'innovation et à l'adaptation des PME aux transitions en cours.
  • L'auteure plaide pour un soutien public à l'investissement, tant dans les actifs matériels que dans la numérisation, comme mesure centrale de la relance industrielle.

Chiffres importants

  • -33% : chute de la production industrielle en avril 2020 par rapport au niveau pré-crise
  • x2 : multiplication potentielle du nombre d'entreprises à EBE négatif en 2021
  • 6,3% vs 1% : part de la valeur ajoutée investie dans les logiciels et bases de données en France vs Allemagne
  • ~2 milliards € : surplus réel annuel de dépenses françaises en logiciels et services informatiques par rapport aux partenaires européens
  • 15% : proportion des entreprises manufacturières ayant un investissement immatériel non nul chaque année
  • 40% : part de l'investissement immatériel réalisée par les grandes entreprises
  • 7,6% vs 8,4% : taux d'investissement en machines et équipements en France vs Allemagne (2017)

Critiques et limitations

  • L'article adopte une perspective principalement factuelle mais laisse transparaître une position favorable à l'intervention publique dans le soutien à l'investissement privé.
  • Une analyse hétérodoxe pourrait souligner davantage les contradictions du modèle économique actuel: la recherche de rentabilité à court terme par les actionnaires peut entraver les investissements nécessaires à la transition écologique.
  • L'article n'aborde pas les questions de financement: comment mobiliser l'épargne privée vers les investissements productifs plutôt que spéculatifs?
  • La dimension internationale et les effets des chaînes de valeur mondiales sur les décisions d'investissement sont peu développés.
  • L'article ne discute pas suffisamment les implications de la numérisation et de l'automatisation sur l'emploi industriel, se concentrant principalement sur la dimension productive.
  • Si les statistiques comparatives avec l'Allemagne sont intéressantes, l'article aurait pu élargir la comparaison à d'autres pays pour mieux situer la position française.